7
La dague et le bâton

 

 

Entreri était installé sur une colline, à quelques kilomètres de la Cité des Navigateurs. Son feu de camp brûlait doucement derrière lui. Régis et ses amis s’étaient arrêtés au même endroit lors de leur dernière étape avant leur arrivée à Luskan et l’assassin avait d’ailleurs allumé son feu dans le foyer même que les quatre compagnons avaient utilisé. Ce n’était toutefois pas une coïncidence. Depuis qu’il avait retrouvé leur trace juste au sud de l’Épine dorsale du Monde, Entreri avait imité chaque mouvement du groupe que le halfelin avait rejoint. Il se déplaçait au même rythme qu’eux, les filant afin de mieux déchiffrer leurs actions.

Pour l’heure, contrairement à ceux qui l’avaient précédé, Entreri ne regardait ni le mur d’enceinte de la cité, ni en direction de Luskan. Plusieurs feux de camp étaient apparus pendant la nuit, au nord, sur la route qui ramenait vers Dix-Cités. Ce n’était pas la première fois que de telles lueurs brillaient derrière lui, et l’assassin avait le sentiment qu’il était lui aussi suivi. Il avait ralenti son rythme effréné, se disant qu’il pourrait facilement rattraper le temps perdu pendant que les compagnons faisaient ce qu’ils avaient à faire à Luskan. Il voulait assurer ses arrières avant de se concentrer sur la manière de prendre au piège le halfelin. Entreri avait même laissé des traces de son passage, pour mieux attirer ses poursuivants.

Il piétina les braises et remonta en selle, décidant qu’il était préférable d’affronter une épée en face plutôt que d’avoir une dague plantée dans le dos.

Il chevaucha dans la nuit, sûr de lui dans l’obscurité. Ce moment de la journée lui appartenait, quand chaque ombre aide celui qui vit dans l’ombre à se dissimuler encore mieux.

Il attacha sa monture avant minuit, suffisamment près des feux de camp pour poursuivre le trajet à pied. Il se rendit alors compte qu’il s’agissait d’une caravane de marchands ; rien d’inhabituel sur la route de Luskan à cette époque de l’année. Mais son sixième sens qui le prévenait du danger était en éveil. De nombreuses années d’expérience avaient aiguisé son instinct de survie et il n’allait certainement pas lui faire la sourde oreille.

Il avança en rampant, cherchant la voie d’entrée la plus facile dans le cercle de chariots. Les marchands postaient toujours de nombreuses sentinelles autour du périmètre de leurs camps, et les chevaux de trait eux-mêmes posaient problème, car les marchands les attachaient tout près de leurs harnais.

L’assassin n’aimait pas l’idée d’avoir chevauché dans la nuit pour rien. Il avait parcouru tout ce chemin et avait bien l’intention de découvrir pourquoi il était suivi. Glissant à la manière d’un serpent, il atteignit le périmètre et se mit à faire le tour du camp, à l’extérieur de la zone de défense. En se déplaçant si silencieusement que même des oreilles aux aguets n’auraient pu le repérer, il passa devant deux gardes qui jouaient aux osselets. Puis il se faufila entre les chevaux. Les animaux couchèrent les oreilles de manière craintive, mais ne bronchèrent pas.

Quand il eut parcouru la moitié du cercle, il fut presque convaincu que la caravane était une simple caravane de marchands ; et il s’apprêtait à disparaître dans la nuit lorsqu’il entendit une voix de femme qu’il connaissait bien.

— Tu dis que t’as vu un point de lumière au loin.

Entreri s’arrêta net, car il savait qui venait de parler.

— Ouais, là-bas, répliqua une voix d’homme. L’assassin se glissa entre deux chariots et jeta un coup d’œil furtif dans la direction d’où venaient les voix. Les deux personnes se tenaient non loin de lui, derrière le chariot suivant et scrutaient la nuit en direction de son camp. Ils étaient tous deux équipés pour le combat. La femme portait son épée avec aisance.

— Je t’ai sous-estimée, murmura Entreri en observant Catti-Brie. (Il tenait déjà sa dague sertie de gemmes.) Je ne ferai plus cette erreur, ajouta-t-il, puis il se tapit et chercha un passage pour atteindre sa cible.

— Tu m’as rendu service en me conduisant ici si vite, dit Catti-Brie. J’te suis reconnaissante et Régis et les autres le seront aussi.

— Dis-moi alors, demanda l’homme. Pourquoi cet empressement ?

Catti-Brie se débattit avec les souvenirs de l’assassin. Elle n’avait pas encore accepté la terreur qui l’avait envahie ce jour funeste dans la maison du halfelin et elle savait qu’elle ne pourrait pas l’accepter tant qu’elle n’aurait pas vengé la mort de ses deux amis nains et transcendé sa propre humiliation. Elle serra les lèvres sans répondre.

— Comme tu veux, lui dit l’homme qui ne souhaita pas insister. Tes raisons justifient l’empressement, nous n’avons pas de doute là-dessus. Si nous donnons l’impression d’être indiscrets, c’est seulement parce que nous voulons t’aider, dans la mesure de nos moyens.

Catti-Brie se tourna vers lui. Un sourire de gratitude sincère illuminait le visage de la jeune femme. Nul besoin d’en dire plus. Alors, debout l’un à côté de l’autre, ils contemplèrent silencieusement l’horizon.

L’approche de la mort était elle aussi silencieuse.

Entreri passa sous le chariot en rampant, puis bondit entre eux, une main tendue vers chacun. Il saisit Catti-Brie par le cou en serrant suffisamment fort pour l’empêcher de crier et sa lame réduisit l’homme au silence pour l’éternité.

Regardant par-dessus l’épaule d’Entreri, Catti-Brie vit l’expression d’horreur figée sur le visage de son compagnon, mais elle ne parvint pas à comprendre pourquoi il n’avait pas crié, car sa bouche n’était pas couverte.

Entreri recula légèrement et elle comprit. Seule la poignée de la dague était visible. La garde reposait à plat contre la pointe du menton de l’homme. La fine lame avait pénétré son cerveau avant qu’il ait pu se rendre compte du danger. Entreri utilisa la poignée de l’arme pour guider sans bruit sa victime à terre, puis arracha la dague de la blessure.

La femme fut de nouveau paralysée par la terreur qu’elle ressentait en présence d’Entreri. Elle sentait qu’elle devait se dégager violemment et avertir le camp en criant, même si cela signifiait qu’il la tuerait. Ou brandir son épée et essayer tout du moins de se battre. Mais elle regarda Entreri, incapable de faire un mouvement, tirer la dague qu’elle portait à sa ceinture et, la tirant avec lui vers le sol, l’enfoncer dans la blessure mortelle de l’homme.

Puis il s’empara de son épée et la poussa sous le wagon, la faisant sortir du périmètre du camp.

Pourquoi ne suis-je pas capable de les avertir en criant ? se répéta-t-elle, car l’assassin, sûr de l’emprise qu’il lui avait sur elle, ne la tenait même pas tandis qu’ils s’enfonçaient dans la nuit. Il savait, et elle devait se l’avouer à elle-même, qu’elle ne renoncerait pas si facilement à la vie.

Enfin, lorsqu’ils se trouvèrent suffisamment loin du camp, il la tira de sorte qu’elle se retrouve face à lui… et à la dague.

— Tu me suis ? lui demanda-t-il en riant. Qu’espères-tu gagner ?

Elle ne répondit pas, mais sentit un peu de sa force lui revenir.

Entreri le sentit aussi.

— Si tu cries, je te tue, déclara-t-il sans ambages. Et ensuite, je te promets que je retournerai tuer tous les marchands !

Elle le crut.

— J’voyage souvent avec des marchands, mentit-elle, retenant le tremblement de sa voix. C’est l’un des devoirs de mon rang de soldat de Dix-Cités.

Entreri lui rit de nouveau au nez. Puis il regarda au loin avec une expression pensive.

— Peut-être pourrais-je faire jouer tout cela en ma faveur, dit-il, tandis qu’un plan se formait dans son esprit.

Catti-Brie l’observa, inquiète qu’il ait trouvé un moyen de l’utiliser pour nuire à ses amis.

— Je ne vais pas te tuer… pas tout de suite, lui dit-il. Lorsque nous trouverons le halfelin, ses amis ne le défendront pas. À cause de toi.

— Je ne ferai rien pour t’aider ! répliqua Catti-Brie avec mépris. Rien !

— Précisément, siffla Entreri. Tu ne feras rien. Pas avec une lame sur la gorge. (Il approcha l’arme de son cou, la tourmentant cruellement, éraflant la peau douce.) Lorsque j’en aurai fini avec ma mission, courageuse fille, je poursuivrai mon chemin et tu te retrouveras seule avec ta honte et ta culpabilité. Et les réponses que tu devras trouver pour les marchands qui croiront que tu as assassiné leur compagnon !

En vérité, Entreri ne croyait pas un seul instant que sa ruse élémentaire avec la dague de Catti-Brie tromperait les marchands. C’était simplement une arme psychologique destinée à inspirer à la jeune femme encore plus de doute et d’inquiétude et ajouter ainsi à toutes les émotions qui la troublaient.

Catti-Brie ne montra aucun signe d’émotion en entendant les déclarations de l’assassin. Non, se dit-elle, ça ne se passera pas comme ça !

Mais en son for intérieur, elle se demanda si sa détermination ne masquait pas tout simplement sa peur, la conviction qu’elle serait de nouveau sous le joug de l’abomination que lui inspirait Entreri et que la scène se déroulerait exactement de la manière dont il l’avait annoncé.

Jierdan trouva sans mal le camp. Dendybar avait utilisé sa magie pour suivre le mystérieux cavalier sur tout le chemin depuis les montagnes et avait dirigé le soldat dans la bonne direction.

Tendu et l’épée au poing, Jierdan s’approcha. L’endroit était déserté, mais pas depuis longtemps. Même éloigné de quelques mètres, le soldat de Luskan pouvait sentir la chaleur du feu de camp en train de s’éteindre. S’accroupissant afin de dissimuler sa silhouette qui aurait été trop visible contre la ligne d’horizon, il rampa en direction d’un paquetage et d’une couverture qui se trouvait à quelques pas du feu.

Entreri guida lentement sa monture vers le camp, s’attendant que des visiteurs aient été attirés par les affaires qu’il y avait laissées. Catti-Brie était assise devant lui, soigneusement ligotée et bâillonnée. Mais elle était convaincue, et dégoûtée de ce fait, que sa propre terreur rendait les liens superflus.

L’assassin toujours sur ses gardes se rendit compte que quelqu’un avait trouvé le camp avant même d’approcher du lieu. Il glissa de sa selle, prenant sa prisonnière avec lui.

— C’est un destrier nerveux, expliqua-t-il à Catti-Brie. (L’avertissement le réjouissait manifestement, tandis qu’il attachait la jeune femme aux pattes arrière du cheval.) Si tu te débats, ses ruades te tueront.

Puis il disparut, se fondant dans la nuit comme s’il appartenait aux ténèbres.

Jierdan laissa tomber le paquetage par terre, frustré. Son contenu, des affaires de voyage ordinaires, ne révélait rien du propriétaire. Le soldat était un vétéran de nombreuses campagnes et il avait vaincu des centaines de fois des hommes et des orques, mais il n’était pas à l’aise, pressentant quelque chose d’inhabituel, et de mortel, au sujet du cavalier. Un homme qui avait le courage de rallier seul Valbise à Luskan, itinéraire pour le moins dangereux, n’était pas un apprenti en matière de combats.

Aussi Jierdan fut-il pris au dépourvu, mais pas tellement surpris lorsque la pointe d’une lame vint soudain se poser dans le creux vulnérable de la nuque, à la base de son crâne. Il ne bougea pas plus qu’il n’ouvrit la bouche pour parler, espérant que le cavalier demanderait des explications avant de plonger sa lame.

Entreri pouvait voir que son paquetage avait été fouillé, mais il reconnut l’uniforme de fourrures et savait que l’homme n’était pas un voleur.

— Nous sommes au-delà des frontières de ta cité, dit-il, sans relâcher la pression de son couteau. Qu’est-ce que tu viens faire dans mon camp, soldat de Luskan ?

— Je suis Jierdan de la porte du nord, répliqua-t-il. Je suis venu à la rencontre d’un cavalier venu de Valbise.

— Quel cavalier ?

— Toi.

La réponse du soldat le plongeait dans la perplexité et il ne l’aimait pas beaucoup. Qui a envoyé cet homme, et comment a-t-il su où chercher ? Les premières pensées de l’assassin se concentrèrent sur la bande de Régis. Le halfelin s’est peut-être arrangé pour que le garde lui vienne en aide. Entreri remit son arme dans son fourreau, certain qu’il pourrait la dégainer à temps s’il devait déjouer une attaque.

Jierdan remarqua lui aussi le sang-froid absolu du geste et toutes les velléités qu’il avait peut-être eues d’attaquer cet homme s’envolèrent.

— Mon maître désire vous recevoir, dit-il, pensant qu’il était sage de s’expliquer un peu mieux. Une rencontre qui vous intéressera tous les deux.

— Ton maître ? demanda Entreri.

— Un citoyen de haut rang, expliqua Jierdan. Il a appris que vous veniez et pense qu’il est en mesure de vous aider dans votre quête.

— Que sait-il de mes affaires ? demanda sèchement Entreri, furieux que quelqu’un ait eu l’audace de l’espionner. Mais il était en même temps soulagé, car le rôle d’une autre puissance au sein de la ville expliquait beaucoup de choses, et éliminait peut-être l’hypothèse logique d’une mise en scène de cette rencontre par le halfelin.

Jierdan haussa les épaules.

— Je ne suis que son messager. Mais je peux aussi t’être utile. À la porte de la cité.

— Maudite soit la porte, gronda Entreri. Je peux escalader le mur facilement. C’est une voie plus directe pour me rendre aux endroits que je cherche.

— Certes, mais je connais ces endroits et les gardes qui les contrôlent.

Le couteau ressurgit, la lame fendit l’air et s’arrêta juste devant la gorge de Jierdan.

— Tu en sais beaucoup, mais tu n’expliques pas grand-chose. Tu t’adonnes à des jeux dangereux, soldat de Luskan.

Jierdan resta impassible.

— Quatre héros de Dix-Cités sont arrivés à Luskan il y a cinq jours : un nain, un halfelin, un barbare, et un elfe noir. (Artémis Entreri lui-même ne put dissimuler une expression d’émoi en entendant ses soupçons confirmés, et Jierdan le remarqua.) Je ne sais pas où ils se trouvent exactement, mais je connais le quartier où ils se cachent. Tu es intéressé ?

Le couteau réintégra son fourreau.

— Attends ici, lui ordonna Entreri. J’ai quelqu’un avec moi qui va nous accompagner.

— Mon maître m’a dit que tu chevauchais seul, hasarda Jierdan.

En voyant le sourire vil d’Entreri, le soldat eut froid dans le dos.

— Je l’ai achetée, expliqua-t-il. Elle est mienne et tu n’as pas besoin d’en savoir plus.

Jierdan n’insista pas. Son soupir de soulagement était perceptible lorsque Entreri disparut.

Catti-Brie voyagea jusqu’à Luskan sans lien et sans bâillon, mais l’emprise d’Entreri sur elle n’en était pas moins forte. Son avertissement lorsqu’il était allé la chercher dans le champ avait été succinct et très clair.

— Un geste de trop, avait-il dit, et tu meurs. Et tu meurs en sachant que le nain, Bruenor, paiera pour ton impudence.

L’assassin n’avait rien dit de plus sur elle à Jierdan, et le soldat n’avait pas posé de questions, même si la femme ne manquait pas de l’intriguer. Dendybar aurait les réponses, Jierdan le savait.

Ils entrèrent dans la ville plus tard dans la matinée, sous le regard soupçonneux de la sentinelle de jour de la Porte du Nord. Il en avait coûté à Jierdan une dizaine de salaires pour soudoyer la sentinelle et les faire rentrer, et le soldat savait qu’il devrait payer encore plus lorsqu’il reviendrait ce soir-là, car il s’était mis initialement d’accord avec le garde pour le passage d’un seul étranger ; il n’avait jamais été question de la femme. Mais si les actes de Jierdan lui valaient les bonnes grâces de Dendybar, ils en valaient alors bien la peine.

Conformément au code de la cité, les trois voyageurs laissèrent leurs chevaux à l’écurie dès qu’ils passèrent l’enceinte. Jierdan guida Entreri et Catti-Brie dans les rues de la Cité des Navigateurs. Ils passèrent devant les marchands et les vendeurs à moitié endormis, debout avant le lever du soleil, et Jierdan les conduisit au cœur même de la cité.

L’assassin ne s’étonna pas lorsqu’ils tombèrent une heure plus tard sur un épais bosquet qui s’étendait sur une bonne distance. Il avait subodoré que Jierdan était associé à ce lieu d’une manière ou d’une autre. Ils traversèrent une trouée à la lisière du bosquet et se retrouvèrent en face de la structure la plus haute de la cité : la Tour des Arcanes.

— Qui est ton maître ? demanda Entreri sans détour. Jierdan ricana. La vue de la tour de Dendybar lui redonnait confiance.

— Tu le sauras bien assez tôt.

— Je le saurai maintenant, gronda Entreri. Ou bien nous mettons fin à notre rencontre. Je suis dans la cité, soldat, et je n’ai plus besoin de ton assistance.

— Je peux demander au garde de t’expulser, lui rétorqua Jierdan avec colère. Ou pire encore.

Mais Entreri eut le dernier mot.

— Ils ne trouveraient jamais les restes de ton corps, promit-il.

La froideur implacable de son ton fit pâlir Jierdan.

Catti-Brie suivit l’échange en frissonnant pour le soldat et en se demandant si elle pourrait bientôt exploiter la nature méfiante de ses ravisseurs à son avantage.

— Je sers Dendybar le Marbré, Maître de la Tour Nord, déclara Jierdan, gagnant encore plus d’assurance à la mention de son puissant mentor.

Entreri avait entendu le nom auparavant. On murmurait beaucoup de choses sur La Tour des Arcanes partout dans Luskan et la campagne avoisinante, et le nom de Dendybar le Marbré revenait souvent dans les conversations. On disait que le mage de la tour était un être ambitieux, avide de pouvoir, et d’aucuns insinuaient que l’homme avait un côté sombre et sinistre qui lui permettait d’obtenir ce qu’il voulait. Dendybar était dangereux, mais il pouvait être un puissant allié. Entreri était satisfait.

— Conduis-moi à lui, dit-il à Jierdan. Voyons si nous pouvons faire affaire ou non.

 

 

Sydney les attendait dans la salle d’entrée de la Tour des Arcanes afin de les escorter. Elle ne se présenta pas et n’attendit pas de présentation en retour. Elle les guida le long des passages tortueux et à travers les portes secrètes jusqu’à la salle d’audience de Dendybar le Marbré. Le mage attendait là en tenue d’apparat (il portait ses robes les plus somptueuses), devant un fabuleux repas.

— Salutations, cavalier, dit Dendybar après quelques minutes de silence, pesantes, mais nécessaires, durant lesquelles chacun avait jaugé l’autre.

— Je m’appelle Dendybar le Marbré comme vous le savez déjà. Partagerez-vous mon repas avec votre charmante compagne ?

Sa voix grinçante tapait sur les nerfs de Catti-Brie, et même si elle n’avait pas mangé depuis le dîner de la veille, elle n’avait aucun appétit et se méfiait de l’hospitalité de cet homme.

Entreri la poussa en avant.

— Mange, ordonna-t-il.

Elle savait qu’Entreri la testait elle et les mages. Mais le moment était venu pour elle de tester aussi Entreri.

— Non, répondit-elle, le regardant droit dans les yeux.

Son revers la projeta à terre. Jierdan et Sydney firent un mouvement pour l’aider, par réflexe, mais lorsqu’ils s’aperçurent que Dendybar ne bougeait pas, ils se reprirent bien vite et se contentèrent d’observer la scène. Catti-Brie s’éloigna du tueur et resta par terre, sur la défensive.

Dendybar sourit à l’assassin.

— Tu as répondu à certaines de mes questions relatives à la fille, dit-il avec un sourire amusé. À quoi sert-elle ?

— J’ai mes raisons, fut tout ce qu’Entreri répondit.

— Tu recherches les quatre compagnons venant de Dix-Cités, je le sais, continua Dendybar, n’ayant aucune envie de tergiverser. Je les recherche moi aussi, mais pour des raisons différentes, j’en suis sûr.

— Tu n’as aucune idée des raisons qui me poussent, répliqua Entreri.

— Et je n’en ai cure, répondit le mage en riant. Nous pouvons nous entraider pour atteindre chacun notre but. C’est tout ce qui m’intéresse.

— Je ne demande pas d’aide.

Dendybar rit encore.

— Ils sont très forts, cavalier. Tu les sous-estimes.

— Peut-être, rétorqua Entreri. Mais tu m’as demandé quel était mon but, sans me dire quel était le tien. Qu’est-ce que la Tour des Arcanes a affaire avec des voyageurs venus de Dix-Cités.

— Une question sensée, répondit Dendybar. Mais avant de répondre, j’attendrai que nous ayons conclu un marché.

— Je risque de ne pas trouver le sommeil dans ce cas, je m’inquiéterais trop, répondit Entreri d’un ton persif leur.

Le mage s’esclaffa de nouveau.

— Tu changeras peut-être d’avis avant la fin, dit-il. Pour l’heure, je t’offre une preuve de ma bonne foi. Les compagnons sont dans la cité. Du côté des docks. Ils devaient descendre au Coutelas. Tu connais cette taverne ?

Entreri hocha de la tête en signe d’acquiescement, très intéressé désormais par ce que le mage avait à dire.

— Mais nous les avons perdus dans les venelles de la partie ouest de la cité, expliqua Dendybar en jetant un coup d’œil glacial à Jierdan.

Le soldat se sentit soudain très mal à l’aise.

— Et combien coûte cette information ? demanda Entreri.

— Rien, répliqua le mage. T’en informer aide ma propre cause. Tu obtiendras ce que tu veux ; ce que je désire sera pour moi.

Entreri sourit, comprenant que Dendybar avait l’intention de se servir de lui comme d’un chien pour traquer sa proie.

— Mon apprentie va vous raccompagner, dit Dendybar, faisant un geste vers Sydney.

Entreri tourna les talons pour partir mais s’arrêta un moment pour soutenir le regard de Jierdan.

— Méfie-toi, soldat, l’avertit l’assassin. Les vautours mangent une fois que le félin s’est rassasié !

— Lorsqu’il m’aura indiqué où se trouve le drow, j’aurai sa tête, gronda Jierdan après leur départ.

— Tu feras bien de ne pas en découdre avec celui-là, lui conseilla Dendybar.

Jierdan le regarda, interloqué.

— Il va sans dire que tu veux qu’il soit surveillé.

— Il va sans dire, répéta Dendybar. Mais par Sydney, pas par toi. Ravale ta colère, lui dit Dendybar en voyant Jierdan froncer les sourcils. Je préserve ta vie. Tu es très fier, certes, et tu as gagné le droit de l’être. Mais celui-ci est trop fort pour toi, mon ami. Sa lame aura raison de toi avant même que tu saches qu’elle était là.

Dehors, Entreri éloigna Catti-Brie de la Tour des Arcanes sans un mot. Il se remémorait l’entrevue, car il savait qu’il n’en avait pas fini avec Dendybar et ses acolytes.

Catti-Brie était contente qu’il ne lui adresse pas la parole, car elle aussi était plongée dans ses pensées. Pourquoi un mage de la Tour des Arcanes serait-il à la recherche de Bruenor et des autres ? Pour venger Akar Kessell, le mage fou que ses amis avaient aidé à vaincre avant le dernier hiver ? Elle regarda par-dessus son épaule la structure qui ressemblait à un arbre, puis le tueur à ses côtés, stupéfaite et horrifiée par l’attention dont ses amis étaient l’objet.

Puis elle se concentra pour essayer de retrouver du courage. Drizzt, Bruenor, Wulfgar, et Régis allaient avoir besoin de son aide avant que tout cela soit terminé. Elle ne devait pas leur faire faux bond.

Les Torrents D'Argent
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